jean joinaile
De l'entremonde
Matérialisation à travers le support photographique de l’espace où se croisent les forces impalpables du bien et du mal. La coexistence du sacré et du païen illustrent cette zone d’intersection. On pourrait la situer dans une quatrième dimension invisible bien qu’omniprésente dans laquelle émergent ces forces antagonistes que la nature humaine, par essence ambiguë, vit au quotidien en passant par exemple de l’amour à la haine. Elles ne sont pas univoques. On retrouve du bien dans le mal tout autant que du mal dans le bien. Tout est en fait question de dosage.
Nombreuses sont dans le monde les sociétés qui attachent une grande importance à cet univers éthéré au travers d’entités irréelles mais paradoxalement bien présentes et qui interviennent sans arrêt dans les actes des individus. C’est le cas en Afrique (mamy Watta, etc…) où l’animisme encadre les comportements, en Haïti (zombies, etc.) où le vaudou s’exprime quotidiennement dans la vie des habitants, mais c’est aussi le cas en occident (spectres, etc.) où parallèlement au rationalisme cartésien, coexiste le spiritisme pour invoquer sinon matérialiser les disparus.
Dans ce contexte particulier, chaque photo s’attache à décliner une facette imaginaire de l’entre monde. Les personnages errent dans ce no man’ land, s’approchent tantôt de la frontière du bien, tantôt de celle du mal, sous l’influence des djinns et autres esprits qu’ils soient bons ou maléfiques. La nudité des corps qui souvent incarne le péché est un bon véhicule pour amplifier les situations.
Aucun des personnages n’est au même stade d’évolution dans cette opposition perpétuelle entre deux comportements fondamentaux qui va du péché catalogué comme mortel à l’acte sanctifiant. J’ai essayé de reproduire ce paradigme par l’éclosion sur le corps des sujets de différents stigmates (cornes, dents, ongles, queue) qui font partie de l’attirail symbolique de l’obscurantisme ancré dans l’imaginaire collectif. A chacun de se situer pour tenter de diriger son destin dans une direction plutôt que dans une autre.
Concernant la lumière, l’entre monde a la sienne propre. Elle est crépusculaire, voire glauque. Certains rayons lumineux s’en échappent pour donner du relief à tel ou tel élément.
La mention « INRI » a plusieurs significations. Celle de la régénération intégrale par le feu de ce qui vit dans la nature sert de support à l’ensemble. Ainsi une lueur d’espoir subsiste même si le verdict attendu est le pire qui soit, même si le fléau de la balance penche franchement du mauvais côté, en référence à ce que les égyptiens appelaient « la pesée des âmes ».