Qu’il me soit permis d’emprunter au forgeron d’armes Michael Sabatier, le propos que lui tenait son maître d’apprentissage. Car le fil de mes couleurs et le fil de son katana forgé de tamahagané ne sont pas si différents.
Aussi, je ne sais percevoir de meilleur début ni de meilleure fin. « Qu’à chaque étape on puisse prendre du plaisir à voir ton ouvrage. Il ne peut y avoir de travail dans l’ombre. Que chaque pas de ton oeuvre soit touché par la lumière afin d’être sévèrement soumis au jugement de ta conscience. A cette condition ton apprentissage n’aura d’autre limite que le nombre des années de ta vie ».
Dzyan, humour et paradoxe, peintre de la mer et chercheur de transparences. Autodidacte passionné, peu enclin au conformisme conditionné, je fais de mes erreurs, mon incassable fil d’Ariane teinté de turquoise et veiné de sépia. Fasciné par les maîtres anciens et leur quête sans fin, je suis attiré par la fraîcheur des couleurs emprisonnées dans l’émail de leurs toiles, plusieurs siècles après leur départ.
Dans nos sociétés consuméristes mangeuses d’hommes, où vitesse et profit gouvernent les peuples, j’ai décidé d’aller doucement. Je cuis pendant des heures à douce température, l’huile de noix tombée en désuétude alors qu’elle offre de merveilleuses qualités, mélangée à l’essence d’aspic, au baume de Venise ou au vernis copal…selon…
N’ayant rien inventé, il m’est arrivé, pour enduire une toile, de demander à Cenino Cennini, sa recette souveraine de plâtre amorphe et de colle de peau, remontée du passé dans l’ouvrage de Mr Xavier DE LANGLAIS. Un mois de préparation avant de poser une noisette de couleurs…Une vie est… bien trop peu à tout expérimenter. Aussi, je laisse l’intuition guider mes pas dans les labyrinthes de questionnements et leurs dédales d’incertitude. Je voudrais bavarder avec le grand Léonard que j’imagine avec sa tunique orange et ses escarpins violets. Dans sa barbe, il me dirait en plissant les yeux, que parfois, un rayon lumineux traverse une toile entre deux orages d’obscurité, mais qu’en cherchant à le retenir, il s’enfuit et ne revient jamais.
Dzyan
Eric Jarque